S’il fait régulièrement les gros titres et tend à perdre son étiquette de sujet « tabou » dans les conversations, le burnout ou syndrome d’épuisement professionnel demeure un épisode de vie délicat à appréhender pour celui qui le rencontre. On fait le point sur ce qu’il révèle et les moyens de se remettre en selle.
La crise récente du COVID-19 a éclairé à nouveau pleins phares ce mal du siècle bien installé sur son perchoir. En première ligne, littéralement, les travailleurs du monde médical et hospitalier, débordés et proches de l’implosion face à des contraintes logistiques, humaines et émotionnelles extrêmes. En arrière, chez eux, les télétravailleurs naviguant à vue entre nouvelles technologies, chômage (pas si partiel) et des réalités familiales élastiques.
Les mois à venir devraient voir émerger de nouvelles vagues de saturation professionnelle dans de nombreux corps de métier, liées à des perspectives économiques incertaines, de possibles réductions d’effectifs ou de moyens, couplées à une attente accrue de productivité et à une redéfinition des modes de travail effectuée parfois sans filet et au pas de charge.
Tout cela sans nécessairement, ni au niveau collectif, ni au niveau individuel, avoir le temps, le recul ou encore les ressources adaptées pour répondre convenablement à ces impératifs.
Plutôt que de sombrer dans le catastrophisme, et si nous développions notre capacité à comprendre le processus à l’œuvre dans une situation de burnout afin de faciliter son identification et intervenir à temps ?
Un phénomène d’ampleur : vous n’êtes pas un cas isolé !
Etonnamment, aucune définition consensuelle du burnout ne s’est imposée jusqu’à présent, pas plus qu’il n’est reconnu comme une maladie professionnelle stricto sensu. Faux espoir l’année dernière sur ce point, au moment où l’OMS a fait planer le doute avant de clarifier sa position.
En tout état de cause, l’Organisation le présente comme un syndrôme « résultant d'un stress chronique au travail qui n'a pas été correctement géré », caractérisé par :
un sentiment de manque d'énergie ou d'épuisement
un retrait vis-à-vis du travail ou des sentiments de négativisme ou de cynisme liés au travail
une perte d’efficacité professionnelle.
En se basant sur ce périmètre, qui risque aujourd’hui d’être touché par un burnout ? La réponse est malheureusement : a priori tout le monde. Si les premiers cas d’épuisement professionnel ont été recensés dans les métiers d’aide et de vocation, où l’engagement relationnel est puissant et pérenne (notamment dans le corps médical) et les valeurs personnelles développées, ces dernières années, la « maladie du surengagement » - comme on l’appelle parfois, s'est infiltrée dans tous les milieux professionnels.
Elle touche désormais en masse tous les profils d’actifs, tous les niveaux de responsabilités, tous les domaines d’activités. Du côté des salariés, 36% affirment avoir traversé un épisode de burnout au cours de leur carrière. Chez les cadres, population médiatisée s’il en est, ce chiffre monte à 50%. Les entrepreneurs, sur tous les fronts, ne sont pas épargnés.
Point positif : en parallèle de cette généralisation s’opère une libération de la parole salutaire de certains dirigeants réputés comme inébranlables, oeuvrant ainsi à une démystification du burnout. Les « role models » Elon Musk et Arianna Huffington ont fait mention publiquement des états de rupture interne qu’ils ont connus ; en France, le patron d’agence de publicité Edouard Pacreau a levé le voile sur sa dépression survenue suite à une surchauffe trop importante.
Déstabiliser les idées reçues : vous n’êtes pas faible
Ces témoignages mi-coup de poing mi-déculpabilisants invitent à démonter le principal préjugé encore accroché au burnout comme une moule à son rocher : ceux qui en seraient victimes seraient des profils sensibles, vulnérables, fragiles, qui ne résisteraient pas à la pression.
Cette vision biaisée, outre le fait qu’elle contribue à aveugler les premiers concernés sur ce qui leur arrive et les pousse à se sentir honteux et sous-efficients, place dangereusement et exclusivement la responsabilité sur les épaules de ceux qui dévissent.
Comme s’ils n’étaient juste pas capables de faire face, intrinsèquement, à une situation de grande pression, quelles que soient les circonstances.
Il est donc indispensable de rappeler ici que, contrairement aux idées reçues, les personnes qui s’écroulent sont la plupart du temps considérées par leur entourage, aussi bien professionnel que personnel, comme solides et résistantes.
Habituées à se surpasser, elles partagent fréquemment une tendance à l’extrême rigueur voire au perfectionnisme.
En plus d’une grande énergie et d’une motivation stable (en temps normal), elles affichent un engagement sans faille et revendiquent une valeur travail très présente. Travail auquel elles accordent ainsi une place prépondérante tant dans leur quotidien que dans leur identité, déposant avec confiance dans cet écrin cette fameuse « quête de sens » si contemporaine et leur sentiment à la fois d’efficacité et d’utilité…
La psychologue Ayala Pines, spécialiste du burnout, nous éclaire d’ailleurs à ce propos : « Pour être « consumé », il faut d’abord avoir été enflammé (…) L’impossibilité d’utiliser ses compétences prive l’individu de la signification qu’il recherche dans son travail. »
Rappelons justement que les flammes d’un incendie intérieur sont alimentées par des huiles extérieures, souvent d’ordre systémique et organisationnel, sur lesquelles un salarié par exemple n'aura que peu de leviers de régulation :
une surcharge de travail ponctuelle ou récurrente
des objectifs flous, trop élevés voire irréalistes sans nécessairement être doté de l’ensemble des ressources pour les atteindre
des contraintes managériales ou externes fortes sans reconnaissance des efforts ou de l’investissement consenti
un contexte de réorganisation ou des styles managériaux qui font naître incompréhensions, conflits interpersonnels ou conflits de valeurs
une exigence d’hyper-connectivité et de réaction immédiate sans prise en compte des temps de récupération physiologiques...
Ces facteurs, indépendants ou concomitants, font petit à petit le lit d’un stress qui bien vite s’embrase et d’une fatigue qui devient chronique. En proie à un sentiment de perte de contrôle de plus en plus vivace et témoin impuissant de son manque d’impact, une personne surengagée cherchera à corriger le tir coûte que coûte en se jetant encore plus dans l'action, s’enfermant ainsi dans une spirale nocive et contre-productive.
L'entrée dans cet engrenage s'effectue généralement en niant les signaux d’alerte que son corps et son mental vont lui envoyer pour lui indiquer qu’il est urgent de ralentir.
Eviter le déni : quels signes concrets doivent vous alerter ?
En route vers le burnout, le travail devient donc souffrance en ce sens qu’il envahit tout l’espace mental, social et temporel. La frontière entre la sphère pro et la sphère perso se fait poreuse et la première grignote vertigineusement sur la seconde jusqu’à la dévorer.
La déconnexion, les pauses, le temps de repos, s’avèrent inenvisageables : pas possible, pas besoin ! Les activités extérieures au travail ou de simples moments pour soi réduisent comme peau de chagrin dans l’agenda : à quoi bon, pas l'énergie !
Il faut tenir, encore plus, toujours plus, même si le corps et le cerveau ne suivent pas la cadence et réclament à grands cris un débranchement ponctuel pour récupérer des forces vitales.
Souvent lent et insidieux, le processus qui mène au burnout peut se dérouler en sous-main et les symptômes n'apparaître évidents que tardivement, d’autant plus quand le déni fait barrage.
Le stress chronique, qui va consumer les ressources de la personne de l’intérieur jusqu’à un arrêt aussi brutal que non-souhaité, va s’exprimer par de multiples canaux pour se faire entendre, en vain dans la plupart de cas.
Alors quels sont les signes avant-coureurs de l’implosion qu’on observe fréquemment et qui doivent alerter ?
Au niveau émotionnel : un sentiment de grande fatigue et de vide, des ruminations, de la culpabilité, de l’anxiété, une perte du sens de l’humour
Au niveau cognitif : une diminution des capacités de concentration, d’attention, de mémorisation
Au niveau comportemental et relationnel : repli sur soi, disparition de l’empathie, irritabilité, situations conflictuelles, cynisme
Un amenuisement de la motivation accompagnée de doutes, de dévalorisation
Des troubles physiologiques : des insomnies, des maux de tête, des douleurs plus ou moins diffuses, moins d’appétit…
Etant donné leur variété et leur virulence, on peut se demander pourquoi ces manifestations sont passées sous silence par ceux qui les subissent ?
Envie de se prouver qu’on est un roc et qu’on peut relever ce qu’on aborde comme un défi, même et surtout seul.e, illusion rassurante que c'est passager, ça va passer ou que ça n’arrive qu’aux autres, culpabilité de ne pas "y arriver" : les fausses croyances déconnectent de la réalité, le besoin d’accomplir sa mission à n’importe quel prix prévaut puisque c'est ce qui est exigé et ce qu'on (se) doit (de) réussir, et la priorité est donnée plus spontanément à la protection de sa réputation qu'à celle de sa santé.
Jusqu’au jour où tout s’arrête. On ne peut plus avancer, au premier sens du terme. Crise de nerfs, asthénie, impossibilité de se lever un matin, effondrement en larmes, et ce vide, immense puits sans fond, qui prend aux tripes… Nombreux sont ceux pour qui le déni s’est transmuté en un instant en une violente paralysie de la pensée et de l'action.
Que faire pour améliorer sa situation ?
Comme nous venons de le décrire, il y a un cheminement avant le choc, qui laisse une marge de manoeuvre pour se sortir de l'impasse.
Si l’on a conscience d’aller droit vers l’implosion, quelques bons réflexes à adopter sans attendre :
la reconnaissance de son besoin de repos pour faire redescendre le niveau de stress, avec idéalement la mise en place de sas dédiés (pauses, marches, déconnexion) au cours des journées de travail, et une meilleure gestion de son temps de récupération hors travail, dont le temps de sommeil
la verbalisation de son mal-être, si possible auprès de son équipe ou son management, et la sollicitation du soutien de son entourage personnel
l’appel si nécessaire à des professionnels de l’aide et de l’écoute (médecin, psychologues ou psychiatres, coachs)
Signaler autour de nous que l’on traverse une phase où l’on perd pied n’équivaut ni à un aveu de faiblesse ni à clamer notre incompétence. C’est simplement admettre qu’il existe au moment T un déséquilibre entre nos ressources disponibles (physiques, émotionnelles, cognitives) et les exigences de notre terrain professionnel. Et que ce déséquilibre a un pouvoir de nuisance élevé et nous met en danger.
Même si cela demande un certain recul, accepter que tout ne dépend pas de notre seule – bonne - volonté et choisir alors de ne plus chercher à contrôler ce qui n’est pas ou plus en notre pouvoir est essentiel pour limiter les effets les plus toxiques de la crise qui se déclare ou qui prend ses (mal)aises.
Cette distance peut être difficile à prendre car pour quelqu’un de très investi et pour qui le travail est central, se désengager peut être assimilé à un échec ou une trahison, douloureuse entorse à son propre contrat de valeurs qui pourra aller jusqu'à la remise en cause de son identité dans son ensemble.
Or, accepter de « lâcher » temporairement permet au final de reprendre le dessus : en se remettant sur pieds, en définissant de nouveaux paramètres qui nous protègeront du court-circuit, en revalorisant notre savoir-faire et notre savoir-être.
Qu’entend-on par « lâcher » ?
Desserrer le cordon qui nous lie à notre travail le temps de raviver notre vitalité : en nous reposant, physiquement et psychiquement ; en réfléchissant à une nouvelle approche de nos enjeux professionnels qui nous permette de nous recentrer et reprendre des forces ; en coupant totalement avec notre environnement de travail si nous sommes en arrêt.
Diminuer l’emprise du travail sur notre vie : retrouver un équilibre satisfaisant entre pro et perso et faire baisser le stress en réintroduisant des doses régulières de plaisir et de bien-être ; recréer dans nos semaines des bulles pour les activités qui nous détendent, nous galvanisent et nous nourrissent, ainsi que recevoir de l’énergie qui nous ressource, en particulier celles de nos familles et amis.
S’autoriser à envisager d’autres façons de faire pour se préserver à l’avenir et éviter une rechute : comprendre ses besoins fondamentaux ; poser et énoncer clairement les limites que l’on se fixe pour se ménager (organisation de la charge de travail, du temps de disponibilité, priorisation des tâches, délégation...) ; être à l’aise avec les comportements à adopter pour les faire respecter.
Reprendre confiance avec le coaching
Tout cela est plus facile à dire qu’à faire, nous sommes d’accord ! Ces prises de recul et ces aménagements concrets peuvent sembler hors d’atteinte pour quelqu’un à bout de souffle, doutant beaucoup, y compris de sa capacité à refaire surface.
Vous faire accompagner par un coach à l’une des étapes critiques d’un épisode de burnout certes ne remplace par un suivi thérapeutique mais peut vous aider à reprendre confiance en vous, rassembler vos forces vives et vous projeter avec plus de sérénité dans votre futur professionnel, quel que soit le contexte.
Voici dans les grandes lignes ce sur quoi vous pourrez vous appuyer, que vous soyez en phase de prévention, de récupération ou de préparation de votre retour en activité :
Vous octroyer un espace de parole dénué de jugement est déjà bénéfique en soi. Cela veut dire que vous êtes capable de dégager du temps pour vous et que vous souhaitez faire émerger de nouvelles ressources malgré votre sentiment actuel de vide et de dévalorisation
En mettant des mots sur ce que vous vivez, vous conscientisez les événements, repérez les dysfonctionnements autour de vous et sources de stress, lisez et triez vos émotions, identifiez vos croyances et vos valeurs : vous êtes amenés à regarder votre situation sous un nouveau jour, avec plus de hauteur
Petit à petit, vous êtes en mesure de distinguer les leviers pragmatiques d’amélioration que vous pouvez actionner, à votre niveau, dès maintenant ou en vue de votre retour sur le terrain : vous agissez directement dans le sens d’une nouvelle écologie personnelle et professionnelle
Plus vous avancez dans votre démarche, plus vous pourrez le cas échéant interroger le sens que vous donnez au travail dans votre vie et revisiter les marqueurs de votre identité professionnelle. Vous pourrez les faire évoluer si vous en ressentez le besoin, et pourquoi pas, si cela vous semble juste, amorcer un virage vers un nouveau poste, une nouvelle entreprise ou une nouvelle carrière !
Je suis à votre entière écoute pour vous soutenir au mieux dans votre volonté de rebond.
D'ici là, prenez soin de vous.
Violaine du Boucher, coach professionnelle
06 63 98 71 83
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